Actus, Economie

France : Quatre surprises démographiques

Gilles Pison, démographe, est le rédacteur en chef de la très respectable revue Populations et Sociétés, bulletin scientifique de vulgarisation (au meilleur sens du terme) de l’INED ( Institut national d’études démographiques ). À l’occasion des cinquante ans de sa revue, il est revenu sur les projections démographiques effectuées par les chercheurs depuis 1968.

Deux changements majeurs avaient été prévus : l’augmentation de la population, passée de 50 millions à 65 millions en 2018, et son vieillissement. En revanche, l’augmentation de l’espérance de vie a été la première surprise. En effet, jusqu’en 1970, elle a été essentiellement due à la diminution de la mortalité infantile. Celle-ci ayant atteint un palier bas (18 pour 1.000 naissances), seule l’espérance de vie à 60 ans pouvait changer la donne. Pourtant elle a continué d’augmenter, les amenant à corriger leur estimation à la hausse, puis finalement à renoncer à l’idée même d’un plafond. Il se pourrait qu’ils ne soient pas au bout de leur surprise : depuis trois ans, l’espérance de vie à 60 ans reste stable pour les hommes (à 23,2 ans) et baisse légèrement pour les femmes (de 27,7 ans en 2014 à 27,6 ans en 2017).

PACS : plébiscité par les couples hétérosexuels

Depuis 50 ans, les femmes mettent au monde deux enfants chacune en moyenne, quelle que soit la génération. Mais ce que personne n’avait prévu, c’est qu’elles le font de plus en plus tard (à presque 29 ans pour le premier enfant aujourd’hui). Il est possible que l’âge moyen de la première maternité continue à reculer, mais peu probable qu’il le fasse au-delà de 35-40 ans, pour des raisons biologiques (en particulier, la baisse rapide de la fécondité après 35 ans). Sauf, peut-être, si la ménopause survient plus tardivement, ce qui pour l’instant relève de la fiction.

Autre surprise : alors que dans les années 70 ­Dans les années 70, il était commun de prévoir l’extinction progressive du couple et de la famille, cela ne s’est pas du tout produit. Si près de six enfants sur dix (58,5% en 2016) naissent hors mariage, c’est le plus souvent au sein d’un couple stable. En témoigne, entre autres, la progression spectaculaire du taux des reconnaissances paternelles hors mariage (en cas de mariage, le mari est réputé être le père quasi-automatiquement). Aujourd’hui, seuls moins de 4% des enfants ne sont pas reconnus l’année de leur naissance.

Le nombre de mariages, lui, a effectivement diminué (296.000 en 2001, 233.000 en 2016), mais cette baisse est largement compensée par l’augmentation des PACS. Créés pour la reconnaissance légale des couples homosexuels, les PACS ont de fait été très largement adoptés par les couples hétérosexuels : en 2016, un peu plus de 7.000 PACS ont été enregistrés pour des couples de même sexe contre 184.000 pour des couples hétérosexuels ! Les divorces deviennent certes plus fréquents, mais l’allongement de la vie a pour conséquence que l’union de toute une vie fait place de plus en plus à l’existence de plusieurs couples successifs pour une même personne. Tant et si bien que non seulement la proportion d’individus vivant en couple est restée à peu près la même, mais aussi la proportion des individus qui font enregistrer leur union, que ce soit par PACS ou par mariage.

Gilles Pison. 1968-2018 : quatre surprises démographiques en France depuis cinquante ans. Population & Sociétés, numéro 553, mars 2018.